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le 10-08-2015 23:08

 

Le Clan de la Grue


 

 

"Sois plus concerné par de bonnes actions que par de grandes actions"


Akodo Tantanko se fraie un chemin à travers les rameaux de pins tachetés de neige du jardin d'hiver, l'esprit égaré dans les affres de son irritation. Elle ne prête pas attention à la manière qu'a le chemin de serpenter entre les bouquets d'arbres, donnant l'impression que le jardin est plus vaste qu'en réalité. Elle ne remarque pas non plus avec quelle délicatesse un grand pin a été planté juste derrière un prunier, de façon à rehausser le dénuement des branches de celui-ci. Tantanko ne s'avise pas davantage du bruissement lugubre du vent dans les bosquets de bambous éparpillés çà et là. Toute son attention est fixée sur le désagrément qui l'attend cet après-midi, sur les difficultés qu'elle aura à arriver à ses fins sans embarasser le courtisan qu'elle est censée protéger.


Elle avait commencé à avoir des doutes dès l'instant où on lui avait fait comprendre qu'elle serait affectée à la garde d'honneur d'Ikoma Cheomo, à la Cour d'Hiver de Kyuden Doji. Mais un samurai du Clan du Lion ne remet pas en question les ordres qu'il reçoit. Tatanko grince des dents. Ce n'est pas juste, se dit-elle. Mon aptitude à la guerre et mon obéissance sans borne à mon suzerain ne devraient pas me valoir ce genre de situation.


La veille, Cheomo a accordé une menue faveur à l'un des seigneurs de passage de la famille Doji, et en témoignage de reconnaissance, celui-ci a convenu qu'un membre de la garde d'honneur de Cheomo aurait le privilège – le privilège ! - de passer un après-midi à s'entraîner avec Doji Nobutaka. Tatanko sent les muscles de sa mâchoires se crisper un peu plus à ce souvenir. Nobutaka est un Kenshinzen. Ce qui prouve bien à quel point le Clan de la Grue n'entend rien à la voie du sabre. Elle ne l'a jamais vu dans le dojo du palais. Elle l'a seulement aperçu quelques fois à la cour, riant en compagnie des dames avec lesquelles il se plaît à badiner, vêtu si somptueusement qu'on dirait qu'il cherche à les éclipser. Et voilà maintenant que je suis censée être honorée de m'entraîner avec lui.


Tatanko contourne l'élégante ramure d'un if tombant en cascade, avant de faire halte. Elle a trouvé Nobutaka. Le membre de la famille Doji lui tourne le dos, occupé à scruter un point situé loin en contrebas du sentier. Elle prend une courte inspiration et commence à s'approcher, mais c'est alors que sans même se retourner, l'homme la met en garde d'un geste de la main. Tatanko lâche son bokken, saisit la poingée de son sabre...et s'arrête. Rien en vue, pas le moindre danger. Quand à Nobutaka, il a toujours son bokken sous le bras.


Tatanko ramasse son propre sabre en bois dans la neige et s'approche à pas feutrés du samurai du Clan de la Grue, jusqu'à se trouver légèrement en retrait sur sa droite. Elle suit son regard, scrutant une section du jardin abritée par des pins et bordée par un petit ruisseau entièrement constitué de roches noires et lisses.

 

"Qu'y a-t-il ? Demande-t-elle dans un souffle.

- Le moineau, répond Nobutaka, une inflexion d'émerveillement perçant dans sa voix chaude."

Déconcertée, Tatanko cligne des paupières et regarde de plus près. Elle voit en effet un moineau juché sur une lanterne de jardin sculptée dans de la pierre blanche, tournant la tête en tous sens comme s'il épiait quelque chose entre le gris du ciel nuageux au-dessus et le sol enneigé au-dessous. Il a l'air parfaitement ordinaire.


Se tournant vers Nobutaka pour l'interroger à nouveau, elle s'interrompt, interloquée par ce qu'elle décèle sur son visage. Le Kensjinzen est totalement absorbé dans la contemplation de l'oiseau; ses traits presque immuminés par l'intensité de son attention. Elle a vu des hommes partir au combat au péril de leur vie avec une concentration moindre que celle dont fait preuve Nobutaka à l'heure actuelle. Tatanko retourne son attention vers le moineau, tâchant de comprendre ce qu'il peut bien avoir de si intéressant.


D'un battement d'ailes, l'oiseau descend de son perchoir et se met à sautiller sur le sol, en quête de ce que les moineaux peuvent bien chasser. Tatanko recommence à balayer lentement la clairière du regard, utilisant ses sens aiguisés par l'expérience su champ de bataille, mais elle ne voit rien d'autre que le ruisseau noir, le sol immaculé, la silhouette sombre des pins et le lampion blanc. Tandis qu'elle retourne son attention vers le moineau elle est soudain frappée par le fait que la tache châtain sur sa tête est la couleur la plus vive à la ronde; le reste du monde ne se compose plus, à ce moment-là que de noir et de blanc. Elle observe de plus près, notant les subtiles nuances de marron sur son corps, le tranchant des touches de noir, la netteté immaculée du blanc.


 

Le moineau fait un dernier bond avant de déployer ses ailes et de s'envoler. Tatanko remarque que son poitrail était du même gris que les cieux. Elle sourit.
Nobutaka exhale un soupir et s'avance dans la clairière d'un pas circonspect, presque révérencieux.

 

 

"- Charmant, n'est ce pas ?
Il s'arrête, semble reprendre ses esprits.

 

 

- Mais maintenant, il est parti, aussi pouvons-nous débuter.
Il commence à retirer son haori.
Les yeux de Tatanko papillotent légèrement.
- Vous ne vous entraînez pas dans le dojo ?
- Oh, cela m'arrive parfois, répond Nobutaka. Après tout, on ne sait jamais vraiment quand on devra livrer un duel en intérieur."

 

Le haori se retrouve drapé sur la lanterne. Nobukata se met à exécuter une série de mouvement délicats avec son bokken, relâchant les muscles de ce ses épaules.

 

"- Mais ce serait dommage de ne pas profiter de ce magnifique jardin."

A aucun moment elle ne s'est demandé pourquoi Nobutaka souhaitait la rencontrer dans le jardin. Tatanko se réprimande mentalement pour cette faute; rien de tel que ce genre de négligence pour sceller la perte d'un samurai sur le champ de bataille. Elle s'avance dans la clairière d'un pas décidé et enlève son propre haori, puis s'attèle à la tâche de nouer ses manches retroussées.

 

 

"- J'espère que vous ne laisserez pas la beauté du jardin vous distraire de notre entraînement, lance-t-elle d'un ton acerbe.
Nobutaka lui adresse un sourire chaleureux.
- Je vous prêterai toute l'attention que je donnerais à un moineau, dit-il."
Bien malgré elle, Tatanko se surprend à répondre à son sourire. Son après-midi s'annonce subitement bien plus interessant que prévu.

 


Les Familles du Clan de la Grue

 

"Beauté et précision, de l'esthétique et de l'utile en tout chose."
Devise du Clan de la Grue

 


Le Clan de la Grue a ceci d'inhabituel que les quatre familles le composant ont toutes comme ancêtre direct le Kami fondateur du clan, Dame Doji. De fait, les Doji, Kakita et Daidoji descendent directement des enfants de Doji et Kakita à l'aube de l'Empire. Et si les Asahina ne peuvent revendiquer la même chose, ils demeurent néanmoins directement apparentés à la lignée originelle par le truchement de Doji Kiriko. Ces liens étroits permettent de mieux appréhender les relations généralement bonnes entre ces familles, ainsi que la rareté des sérieux désaccords qui les opposent; la Guerre Civile du Clan de la Grue ourdie par l'Ombre Rampante ne fut en cela qu'une étrange aberration que le clan préfère feindre d'ignorer.

 

 

 

La Famille Asahina

 

 

"Le savoir n'est pas qu'une question d'apprentissage : il s'agit surtout de mérite"
Devise de la Famille Asahina

 

 

L'emblème de la Famille Asahina représente la tête et les ailes déployées d'une grue tenant une fleur de pêcher dans son bec. A Rokugan, la fleur de pêcher symbolise à la fois le changement et la paix, et changer le monde en lui apportant la paix constitue bien l'idéal Asahina. Le bois de pêcher est également considéré comme le matériau le mieux adapté pour fabriquer les talismans, fétiches et nemuranai, rendant la fleur de cet arbre d'autant plus appropriée.


Au sein d'un clan incarnant la sophistication et les mondanités, les Asahina font tache comme un vilain petit canard au milieu d'une volée de paons. En tant que famille de shugenja, on peut raisonnablement s'attendre à ce que ses membres soient moins intéréssés par la politique et les richesses que leurs cousins Doji, mais en vérité, ils vont jusqu'à se moquer comme d'une guigne de ces choses-là. Ce sont de fervents pacifistes, souvent des ascètes, ne se contentant pas de renoncer seulement au monde de la poltique et de l'économie, mais aussi aux choses de la guerre, qu'il s'agisse du sens pratique des Daidoji ou des arts martiaux plus raffinés des Kakita. Ce qu'ils partagent avec le reste du clan, c'est un goût immodéré pour une vie bien menée, une forte conviction quant aux bienfaits de la civilisation pour structurer l'existence, ainsi qu'une profonde estime pour le pouvoir de l'art.


 

Conformément à l'histoire personnelle de leur fondateur, les Asahina sont des pacifistes convaincus. Ils ne décrient pas les tendances belligérantes des autres familles, mais se refusent pour leur part à ôter la vie et à former quiconque aurait déjà tué. En certaines circonstances, les créatures de l'Outremonde constituent une exception à la règle, mais même sur ce point, les Asahina restent divisés, ceux qui poursuivent les idéaux de leur fondateur avec le plus de fermeté s'interdisant de faire du mal à quelque être vivant que ce soit. Ceux qui combattent les forces de Jigoku avancent que, vu que de telles entités n'appartiennent pas au Ningen-do, les anéantir revient simplement à maintenir l'Ordre Céleste. En ce qui concerne les conflits entre clans, si des shugenja Asahina se retrouvent parfois à prêter main-forte à leurs camarades bushi pour défendre le clan, ils choisissent toujours d'user de leur magie pour réduire les dégâts subis par leur parentèle au lieu d'en infliger à l'ennemi.

La plupart des membres de la lignée Asahina résident à Shinden Asahina, la forteresse principale de la famille. Ce temple tentaculaire fait partie des grands lieux sacrés de l'Empire, visité chaque année par un grand nombre de pèlerins, qui viennent y faire leurs dévotions et méditer dans le calme de ses salles. Les murs de celles-ci sont richement décorés de peintures et de sculptures, chacune illustrant la sagesse du Tao ou l'histoire du Clan de la Grue. La plupart des oeuvres d'art que l'on contemple à Shinden Asahina ont été réalisées par les Asahina eux-mêmes, car ils considèrent la création artistique comme un acte susceptible de ramener la grâce et la bonté dans le monde.

 


Pour la plupart des Rokugani, le plus grand achèvement artistique des Asahina réside dans leurs objets magiques, en particulier leurs tsangusuri (fétiches). Ces talismans à usage unique sont hautement prisés pour leur grande utilité, et les courtisans Doji ont scellé nombre d'amitiés au bénéfice du clan en en choisissant scrupuleusement les bénéficiaires. Pour les Asahina, néanmoins, les tsangusuri ne représentent pas autre chose qu'un moyen supplémentaire d'amener la beauté et la paix à Rokugan.


L'Ecole de Shugenja Asahina

Tout comme le reste de la famille, les sensei Asahina qui enseignent dans les différents départements de l'Ecole de Shugenja Asahina prônent cette vertu qui consiste à protéger la vie à tout prix et à se détourner de la destruction aveugle. Moines et prêtres, les Asahina s'intéressent avant tout à l'érudition et la méditation pour trouver leur place dans le monde. Ils se livrent aux mêmes rituels que les autres familles de shugenja, mais en profitent pour poser des questions à ceux qui y participent ou agissent en simple spectateurs, et tentent d'apprendre en toutes circonstances. De même, ils attachent énormément d'importance à la production d'oeuvres d'art, une démarche qu'ils estiment essentielle pour améliorer le monde qui les entoure.

 

Par dessus tout, l'Ecole de Shugenja Asahina s'attache à la défense et la protection. Sa technique et sa magie tournent avant tout autour de Sorts réduisant les dommages et protégeant autrui des attaques. Certains sorts s'orientent aussi vers la création et l'artisanat.

Les Asahina domptent la puissance des kami non pas pour guerroyer, mais pour se livrer à des expériences artistiques.

 

Compétences indicatives : art de la magie, calligraphie (code secret), connaissance en théologie, etiquette, méditation

Equipement indicatif : robe, Bo, étui à parchemin

autres indicatifs : 10 kokus, honneur 6,5


Voie : Fétichiste Asahina (Shugenja)

Les shugenja Asahina empruntent la voie de la paix et de la beauté, et ils trouvent l'harmonie dans la tranquilité de la nature. Au fil des ans, ils ont acquis le statut de maîtres dans un art secret de création qui leur permet d'investir de petits objets de puissance magique. Ces objets, qualifiés de tsangusuri, confèrent temporairement à ceux qui les portent la possibilité de demade de l'aide aux kami. Chaque objet est réalisé en l'honneur des éléments et reflète la vision du Clan de la Grue d'un monde qui ne serait que beauté.

 

 


La Famille Daidoji

 

 

"La lance n'attend pas son maître, elle se précipite de l'avant pour barrer le passage".
Devise de la Famille Daidoji


L'emblème des Daidoji est une grue en plein vol qui tient dans ses serres une lance, avec un serpent enroulé autour de sa hampe. Un serpent peut rester des heures tapis dans l'herbe avant de juger l'instant propice pour attaquer. La lance précède le guerrier qui la porte, comme pressée de rejoindre la mêlée. Ensemble, ils résument l'approche qu'ont les Daidoji du conflit.

On fait parfois allusion aux Daidoji en tant que lignée guerrière du Clan de la Grue, mais eux-mêmes ne se voient pas ainsi. Après tout, dans tout conflit où s'est trouvé mêlé le Clan de la Grue, l'implication des courtisans Doji n'a jamais rien eu à envier à celle des bushi Daidoji. Ils gardent cependant ce genre d'opinion pour eux, ravis que leurs ennemis ne considèrent que la moitié des ressources du clan comme menace. Bien sûr, le silence des Daidoji passe pour le moins inaperçu, tant la famille reste circonspecte en public, quel que soit le sujet abordé. Yojimbo taciturne, toujours sur le qui-vive; négociant distant, écoutant d'une oreille ses commis en train de chicaner sur le prix des articles; commando embusqué attendant son heure pour percer le flanc de l'ennemi : ce sont là les aspects des Daidoji qui marquent les esprits étrangers. Ce sont les ombres menaçantes des Doji, des protecteurs silencieux faisant en sorte que le reste du clan demeure en sécurité et prospère. Les Daidoji sont extrêmement fiers de ce rôle, que Dame Doji en personne leur avait donné lorsque Hayaku ramena le sabre de son frère et de sa soeur. Lors de sa cérémonie de gempukku, chaque guerrier Daidoji se tatoue le mon familial sur les poignets, symbole de son entière dévotion envers la famille et le clan.

 

Les Daidoji prennent toujours très à coeur l'héritage de leurs ancêtres en matière de courage, de détermination et de fidèlité. Leurs bushi s'entraînent sans relâche pour la guerre, toujours occupés à mettre au point d'habiles tactiques pour compenser les effectifs modestes de leurs armées. Ils dressent avec un soin méticuleux les cartes des territoires environnant chaque palais ou forteresse du Clan de la Grue, fournissant ainsi à l'état-major Doji des trésors d'informations pour n'importe quelle campagne. En outre, cette dévotion peut aller jusqu'à accomplir des actes nécessaires, mais potentiellement déshonorants. Bien que les Daidoji attachent autant de prix à l'honneur que les autres membres du Clan de la Grue, ils sont prêts à sacrifier le leur pour le bien du clan.


Le sens pratique des Daidoji est particulièrement notable dans le domaine du commerce. Alors que la plupart des samurai prennent de haut l'argent et le négoce, les Daidoji considèrent pour leur part les richesses comme la meilleure défense de leur clan, et sont résolus à en amasser le plus possible. Pour la majeure partie d'entre eux, les négociants Daidoji opèrent dans un cadre parfaitement légal, tirant profit des abondantes ressources agricoles dont dispose le clan, ainsi que de ses nombreux ports stratégiquement situés. Mais il y a aussi ceux que les Daidoji appellent les "navigateurs en eaux troubles", ces marchands qui opèrent en marge de la loi. Ces samurai recourent à un mélange détonant : une bonne dose de perspicacité, quelques affaires légitimes pour servir de couverture, et une foi inébranlable dans la capacité des courtisans Doji à étouffer dans l'oeuf la moindre dissension. Les seigneurs Daidoji préfèrent ne pas dépendre trop souvent de telles méthodes, cela les rendrait trop prévisibles, mais ils savent pertinemment que s'il y a une cargaison à passer en contrebande, à dérober, à détourner ou encore à détruire, ils ont déjà des équipes en place prêtes à s'en charger.


Cette volonté farouche de faire le nécessaire en toute circonstance se manifeste aussi en temps de guerre. Les Daidoji n'iraient jamais assassiner un courtisan, la chasse gardée des Kakita, mais une fois la guerre déclarée, ils considèrent chaque officier ennemi, chaque messager ou caravane de ravitaillement comme une cible légitime, où qu'elle se trouve. Plus d'une armée adverse a perdu l'un de ses principaux officiers dans une embuscade avant même que celui-ci n'ait pu prendre ses fonctions sur le terrain. Ce genre d'agissement est susceptible de susciter des griefs à la cour, mais les Doji sont toujours là pour défendre la réputation de leurs parents.


La Meute Daidoji

Les éclaireurs de la famille Daidoji ont une longue expérience des pièges, embuscades et autres manoeuvres furtives, pour venir à bout d'ennemis en supériorité numérique comme les armées régulières du Clan du Lion. Ils justifient de telles tactiques en arguant que leur propre honneur compte moins que la sécurité du clan. Il est toutefois arrivé, à certaines périodes de l'histoire Impériale, que cet empressement à sacrifier l'honneur sur l'autel de la victoire dépasse les limites.


La Meute Daidoji était un petit commando d'élite de saboteurs et d'assassins embusqués, entraînés à des pratiques pas si éloignées de celles des shinobi du Clan du Scorpion. Effectivement, il se pourrait que certains de leurs modes opératoires aient contribué à la popularité du "mythe du ninja" à travers Rokugan. Le moment précis où la Meute s'est séparée des forces plus nombreuses et conventionnelles des Daidoji reste flou, car le commando se montrait extrêmement secret et dissimulait la plupart de ses activités au reste du clan, voire à la majeure partie de la famille Daidoji. Au fil des ans, les méthodes employées par la Meute devinrent de plus en plus impitoyables et déshonorantes, ses membres ne répugnant parfois pas à user de poison, voir de poivre gaijin (poudre à canon) pour vaincre l'ennemi. Ils se trouvèrent également de plus en plus coupés de la réalité du reste du Clan de la Grue, considérant le plus souvent leurs honorables cousins comme une bande de crétins bien-pensants qu'il valait mieux tenir à l'écart de ce que la Meute accomplissait en leur nom.


Vers la fin du douzième siècle, l'usage que faisait la Meute de la poudre à canon attira l'attention du Clan du Dragon, qui déclara la guerre au Clan de la Grue, conflit connu sous le nom de "Guerre de la Soie et de l'Acier", afin de contraindre celui-ci à mettre un terme aux pratiques déshonorantes qui avaient cours dans ses propres rangs. Conséquemment à cette guerre, la Championne du Clan de la Grue, Doji Domotai, ayant pris connaissance de l'existence de la Meute et de ses méthodes, ordonna son démantèlement, purifiant ainsi l'honneur du clan de cette souillure. S'il est indubitable que leur quartier général fut anéanti, on ignore si des membres de la Meute ont survécu à ces directives.


Les Guerriers de Fer Daidoji

Le savoir-faire des Doji et des Kakita a permis de faire des Grues les maîtres de la cour, mais lorsque les mots ne suffisent pas, on fait appel à la force et au courage des Guerriers de Fer Daidoji. Eux-mêmes se considèrent depuis toujours comme le sabre silencieux du Clan de la Grue et cette perception se justifie pleinement. Les Guerriers de Fer Daidoji forment les fantassins lourds des armées de la Grue. Ils constituent donc une bonne partie de la première armée du Clan et une majorité de la seconde. Ce sont aussi des yojimbo, devoir que leur attribue souvent la conscience collective, même s'il ne s'agit là que de l'un de leurs nombreux rôles.

 

Les Daidoji sont très polyvalents. Leurs Techniques consistent à encaisser les dommages et à protéger ceux dont on leur confie la garde. Leur style de combat ne se base pas exclusivement sur la protection, mais permet aux Guerriers de Fer de combattre sur la défensive en pleine escarmouche pour tirer pleinement parti de leurs facultés.

 

Compétences indicatives : art de la guerre, défense (rang 2), Iaijutsu (duel), Kenjutsu (voie de l'épée)(katana), Kyujutsu (tir à l'arc)

Equipement indicatif : armure légére ou lourde, vetements robustes, daisho, arme lourde ou arme d'hast

autres indicatifs : 10 kokus, honneur 6,5


Ecole d'Eclaireur Daidoji

Les Guerriers de Fer constituent le visage ostentible de la famille Daidoji, mais la famille se penche également sur un autre aspect de la guerre : les embuscade, la reconnaissance et les frappes de précision contre des ennemis vulnérables et essentiels, comme les officiers et les convois de réapprovisionnement. Les Eclaireurs Daidoji recourent aux pièges et aux attaques-surprises, n'hésitant pas à agir sans observer tous les préceptes de l'honneur pour contribuer avant tout au bien du Clan de la Grue. Ils comptent sur le reste du clan pour couvrir à la cour leurs actes douteux.

 

Compétences indicatives : Athlétisme, chasse (pièges), couteaux, discrétion (furtivité), kenjutsu, kyujutsu (Yumi)

Equipement indicatif : armure légère ou d'Ashigaru, vetements élimés, daisho, arc, couteau, outils de conception de pièges, maquillage de camouflage

autres indicatifs : 5 kokus, honneur 3,5

 

 

 

La Famille Doji

 

 

"Souciez-vous davantage des bonnes actions que des actes grandioses."

Devise de la Famille Doji

L'emblème de la famille Doji montre la tête d'une grue tenant un flocon de neige dans son bec. Il neigeait lorsque Dame Doji rencontra Shinsei, et il lui enseigna l'importance de vivre pleinement chaque instant. Le mon de sa famille rappelle cette leçon avec le flocon de neige, qui représente un moment de perfection esthétique unique et impossible à reproduire.


Les Doji représentent la face élégante du Clan de la Grue. Affables et courtois, ils sont toujours prêts à faire bénéficier leurs amis d'une faveur ou deux, et rares sont les seigneurs de Rokugan qui ne comptent pas au moins un courtisan Doji dans leur cercle d'intimes et d'alliés. Ce sont eux qui créent les modes dans l'Empire. Leur autorité en matière d'art, de tendances et de style reste incontestée, et ils se font un devoir d'exhiber, tant devant leurs amis que devant leurs rivaux, la culture impériale sous un meilleur jour. Une conversation avec les Doji est vite saturée de références littéraires, à la fois classiques et modernes. Leurs festivals proposent les plus somptueux spectacles, aussi bien populaires que d'ambition élevée. Leurs demeures allient élégance de l'architecture et raffinement du jardinage paysagiste. Il est impossible de se tenir en présence d'un Doji sans se rappeler qu'ils font la pluie et le beau temps au sein d'une civilisation culturellement très avancée.


La famille Doji fut fondée par Dame Doji en personne, à l'aube de l'Empire. Elle était la plus proche conseillère de l'Empereur Hantei, et on lui doit la plupart des institutions politiques et culturelles de Rokugan. On lui attribue l'invention de nombreux arts, tels que l'ikebana et la cérémonie du thé, mais sa plus grande création reste l'art de la diplomatie Impériale. L'Empire actuel tient essentiellement à un amas de royaumes semi-indépendants, dont l'union est maintenue grâce à l'Empereur par un terreau culturel commun; qu'il ait survécu si longtemps malgré les innombrables menaces ayant jalonné son histoire en dit beaucoup sur la qualité de ce que Doji a accompli.


Le premier Hantei épousa une Doji, et à l'exception d'un seul, tous ses successeurs ont imité son exemple. C'est une des sources de l'influence de la famille Doji à la cour, mais c'est loin d'être la seule. Les courtisans Doji excellent dans l'art de manipuler le pouvoir, le prestige et les rouages qui font la politique à Rokugan. C'est un Doji qui se tient le plus souvent à côté du trône en tant que Conseiller Impérial, et on trouve des courtisans de cette famille à tous les échelons de la bureaucratie Impériale, veillant au bon fonctionnement du système créé par leur ancêtre pour les Hantei.

La fibre artistique des Doji remonte à une rencontre qui eut lieu entre Dame Doji et le prophète Shinsei, au cours de laquelle le sage lui enseigna l'importance de vivre pleinement et d'apprécier la beauté de toute chose, même dans le moindre flocon de neige. Les partisans que Doji attira à elle, étaient ceux qui partageaient sa conception d'une existence regorgeant de beauté et dédiée à la transcendance que celle-ci permet d'entrevoir. Dans l'Empire d'aujourd'hui, les Doji tâchent de promouvoir les arts qui célèbrent la beauté du monde et de les intégrer au mieux à la vie quotidienne. En outre, un authentique descendant de Doji ne se satisfera jamais de choses faites à moitié ou de mauvaise qualité, pas plus qu'il n'abaissera ses exigeances sous prétextes que la vie serait trop courte pour se la compliquer. Non, la vie devrait être vécue intensément, chaque instant éprouvé au maximum, car ce pourrait très bien être le dernier. Contempler un lever de soleil, s'adonner à la calligraphie, boire de l'eau d'un puits au bord de la route : chaque chose doit être pleinement appréciée pour les beautés qu'elle renferme.


Cette philosophie s'avère particulièrement utile pour les courtisans Doji, vu les dangers insoupçonnés que recèle la cour. Les terres du Clan de la Grue sont riches et fertiles, et nombreux sont les envieux à la cour, qui jalousent à la fois la fortune du clan et le statut privilégié de ses représentants dans l'Empire. Bien évidemment, ils ont les Daidoji pour leur servir de yojimbo et les Kakita pour leur tenir lieu de champions dans les duels, mais la violence physique est la moindre des menaces. Un mot de travers peut ruiner une carrière entière ou jeter l'opprobe sur tout le clan. Savoir que l'on ne peut rien enlever à quelqu'un qui trouve de la beauté en toute chose est une pensée encourageante pour les Doji qui naviguent dans ces eaux troubles.


L'Ecole de courtisan Doji

Les samourai du Clan de la Grue ont la réputation d'être les maîtres incontestés de la cour. Celle-ci est bien méritée et perdure grâce aux secrets anciens de l'Ecole de Courtisan Doji. Cette dernière cherche avant tout à créer un vaste réseau d'alliés auxquels le Clan pourra faire appel en toutes circonstances, en faisant d'eux de préférence ses débiteurs. L'enseignement prodigué dans les dojo Doji regroupe une foule de sujets, bien plus qu'un samourai ne peut espérer un jour en maîtriser, aussi talentueux soit-il. Heureusement, les sensei forment des courtisans dans tous ces domaines afin qu'un Doji soit toujours prêt à relever les défis qui se présentent au Clan.

L'Ecole de Courtisan Doji se fonde sur le concept d'échange de faveurs, sans pour autant se limiter à cela. Ce qui en fait avant tout des adversaires très intimidants réside dans cette faculté qu'ils ont à cerner les besoins de leur prochain et à les leur proposer d'une manière telle qu'un refus devient souvent difficile, voire impossible.

 

Compétences indicatives : calligraphie, cérémonie du thé, courtisan (manipulation), etiquette (courtoisie), sincérité, spectacle (art du conteur)

Equipement indicatif : vetements extravagants, wakizashi, necessaire de calligraphie

autres indicatifs : 10 kokus, honneur 6,5

 

 

 

La Famille Kakita

 

"Nulle vie pour le poltron.
Nulle mort pour le héros."
Devise de la Famille Kakita

 

L'emblème Kakita est une grue dont les ailes déployées encerclent un katana. Le duel iaijutsu fut le premier art maîtrisé par Kakita et enseigné dans son dojo. Sa famille place un katana dans son mon pour témoigner du fait qu'elle est prête à défendre le clan avec l'acier s'il le faut.


Si le Clan du Lion se vante des prouesses guerrières des Matsu et si le Clan du Phénix porte aux nues la puissance des shugenja Isawa, celui de la Grue glorifie par-dessus tout le talent des artisans Kakita. Nulle autre famille dans Rokugan ne rivalise avec la ferveur de leur dévotion, l'ampleur de leur maîrise ou l'ancienneté de leur tradition. Le premier de ces artisans hors pair fut Kakita lui-même, à la fois expert en escrime et en musique, inventeur de la forme de duel connue sous le nom de iaijutsu et auteur de L'Epée, un des textes fondateurs de Rokugan. Kakita étudia de nombreuses formes d'art au cours de sa vie, et lorsqu'il fonda l'Académie Kakita afin d'enseigner ses techniques de combat à l'arme blanche, il intégra également les disciplines artistiques au programme. C'est ainsi que les deux distinctions jumelles, l'Ecole de Duel et l'Académie des Artisans de la famille Kakita, virent le jour.


Depuis ces prémices, la famille Kakita a entretenu son héritage avec panache. Les professeurs de l'Académie Kakita sont unanimement considérés comme les plus grands praticiens de leurs arts respectifs. Il existe des artisans de talent issus d'autres clans, c'est vrai, mais aucun d'entre eux n'est reconnu comme majeur tant que son travail n'a pas été loué par un Maître Kakita. C'est le seul critère d'excellence en matière de savoir-faire.


La plupart des membres de la famille Kakita deviennent artisans d'une manière ou d'une autre, en suivant les cours de l'Ecole de Duel ou de l'Académie des Artisans. Les deux parcours sont éminemment respectés, même si l'Ecole de Duel est considérée comme légèrement plus prestigieuse : il s'agissait, après tout, de la première spécialité de Kakita. D'un autre côté, un duelliste médiocre jette le déshonneur sur la famille tandis qu'un artiste talentueux formé à l'ikebana est source de fierté. Aussi les parents bien avisés tâchent-ils de le pas pousser leur rejeton vers un cursus inapproprié. Une fois les études commencées, cependant, on attend des enfants Kakita une implication totale dans leur art, ainsi qu'une détermination à s'améliorer au maximum de leurs possibilités. Si un échec dû à un manque de talent est excusable, étant donné que le Ciel ne dispense pas ses dons équitablements à tous les étudiants, en revanche, un échec faute d'effort reste impardonnable. Les sensei Kakita forment leurs étudiants d'une main de fer, insistant sur les bases afin que les étudiants puissent ensuite passer avec assurance à des techniques plus complexes.


Les Kakita croient en l'excellence au point de chercher la perfection en toute chose, et ils attendent que tout membre de leur famille s'adonne à cette quête. Pour chaque duelliste qui s'immerge dans un ruisseau glacé en plein hiver pour s'exercer au sabre, il y a un peintre qui s'enfonce dans les brumes d'une forêt après l'orage afin d'étudier les effets de clair-obscur causés par la chute de neige sur les pins. Le coup de maître existe dans tout art, et chaque artisan Kakita sait qu'il est de son devoir de le trouver.


L'Ecole de Bushi Kakita

 

L'art sacré du iaijutsu est pratiqué par tous les Clans, mais nul ne le maîtrise avec autant de soin que les sensei de l'Académie de Duel de la Famille Kakita. L'Ecole s'attache avant tout au duel, et si d'autres fondamentaux font bien évidement partie de l'enseignement prodigué, ils demeurent secondaires. On ne les enseigne que parcequ'une de leurs facettes s'apparente d'une façon ou d'une autre au iaijustsu. Si certains osent critiquer l'Ecole pour son champ d'éducation très restreint, peu de personnes osent en contester le fruit. Ainsi, la Grue a remporté de nombreuses batailles en abattant le général ennemi en duel avant même que l'affrontement ne débute. De même, la mainmise des Grue sur les cours d'exerce d'autant plus facilement que l'ont dispode d'un champion Kakita prêt à répondre à tout défi et à en découdre en cas de duel.
Les Techniques Kakita s'attachent bien entendu au iaijustsu, mais proposent quelques bottes utilisables aussi bien lors d'un duel que lors d'une escarmouche. Les Kakita se montrent généralement plus rapides que leurs adversaires.

 

Compétences indicatives : cérémonie du thé, etiquette, Iaijutsu (duel) (concentration), Kenjutsu (voie de l'épée), Kyujutsu (tir à l'arc), sincérité

Equipement indicatif : armure légère, vetements robustes, daisho

autres indicatifs : 10 kokus, honneur 6,5


Ecole d'Artisan Kakita

Contrairement à leurs rivaux occasionnels, les Shiba, les Artisans Kakita ne se confinent pas à la confection d'oeuvres physiques tels que peintures et recueils de poésie. L'Académie des Artisans se consacre à l'étude de tous les arts, qu'il s'agisse de spectacle ou de création. Non seulement elle se penche sur les secrets de ces arts, mais aussi sur la manière dont ils peuvent servir le Clan de la Grue.

 

Compétences indicatives : Courtisan, Etiquette, Jeu (Sadane), Sincérité, Art (au choix)

Equipement indicatif : Robe de Cour, Vêtements Somptueux, Wakizashi, Matériel Artistique, Eventual, Monture

autres indicatifs : 10 kokus, honneur 5,5


Voie Alternative : Bouffon Kakita

Il existe au sein de l'Académie des Artisans Kakita un petit dojo où les élèves apprennent l'un des arts les plus singuliers de la famille Kakita : la voie du Bouffon. Les Bouffons constituent une variante du théâtre kabuki. Ils étudient la comédie, la danse, la poésie, la musique et le commentaire politique. Rares sont les samurai adaptés à cette existence. Le dojo n'est jamais bondé.

 

Les bouffons sont des artistes de spectacle très particuliers, création du Clan de la Grue qu'on retrouve toutefois parmi d'autres clans. Alors que la plupart des Artisans se consacrent à la création d'oeuvres d'art splendides et immortelles, les Bouffons sont là pour ridiculiser les arrogants et les puissants. Très tôt dans son apprentissage, le Bouffon est sélectionné pour assumer ce rôle, qu'il sera ensuite censé tenir toute sa vie. Il porte un costume caractéristique dans le style kabuki, avec un maquillage du même acabit, et puise dans ses talents pour railler et égratigner ceux qui le méritent. Les Bouffons les plus expérimentés finissent par accéder à la Technique spéciale enseignée par une poignée de sensei de leur dojo.

Les Bouffons dansent et se pavanent aux diverses cours, chantent, content et détournent des passages d'ouvrages célèbres, s'assurant que tous les samurai présents sont conscients de leurs pieds de nez. Ils s'expriment généralement par rimes et énigmes, et prennent un malin plaisir à augurer le sort funeste de tous ceux qui les critiquent ou les agressent. Il faut toutefois garder à l'esprit que les bouffons Rokugani ne sont jamais bon enfant ou loufoques. Leur humour est toujours satirique, mordant et acerbe, leur arme de prédilection restant la moquerie. Entre samurai plus ordinaires, un tel comportement ne pourrait provoquer que des duels, mais les Bouffons ont l'aval de leur seigneur lorsqu'il s'agit de dire ce qui est normalement considéré comme inadmissible. Ils ont le droit d'évoquer publiquement la réputation ou l'honneur terni d'autrui, à condition de le faire sur le ton de la raillerie ou de la dérision.
 

 

Malgrè cette "immunité", la plupart des Bouffons seraient bien inspirés de se lier à un protecteur de valeur s'ils veulent éviter de regretter leurs représentations souvent très corrosives.



 

Le Clan de la Grue et le Pouvoir Politique

 

"Il est honorable de se voir accuser par ceux qui méritent l'accusation"
Le Tao de Shinsei

 


Le Clan de la Grue est l'un des clans de l'Empire les plus versés dans la politique, et il est assez incontestablement aussi le clan le plus influent dans ce domaine. On peut le constater dans les stratégies qu'il déploie pour défendre ses frontières en temps de guerre : si les guerriers Daidoji sont respectés pour leur habileté et leur dévouement, l'objectif principal des armées du clan consiste à ralentir l'ennemi assez longtemps pour que les courtisans puissent imposer un traité de paix...et ces négociations aboutissent généralement à un accord permettant au Clan de la Grue de récupérer les territoires qu'il avait perdus.

Le Clan de la Grue tire son pouvoir politique effectif de plusieurs sources, et s'il préfèrent généralement que le reste de l'Empire se contente de reconnaître sa puissance sans se demander d'où elle provient, un observateur averti peut en tracer les origines.


La première et la plus évidente tient au lien étroit qui l'unit à la Dynastie Hantei, à travers la lignée quasiment ininterrompue d'épouses que le clan lui a fournie. Pendant la Dynastie Hantei, la politique Impériale fut outrageusesment dominée par le Clan de la Grue, qui tirait parti de sa proximité avec l'Impératrice pour placer ses membres à tous les échelons de la bureaucratie, du Conseiller Impérial jusqu'aux postes de scribe ou de clerc les plus humbles. Cette source d'influence prit un sérieux coup dans l'aile lorsque la Dynastie Toturi, puis la Dynastie Iweko, remplacèrent les Hantei, mais elle ne disparut pas complètement. Rokugan est une société traditionnaliste et réactionnaire, et des familles Impériales telles que les Otomo, les Seppun ou les Miya, conservèrent leur statut même sans avoir de lien du sang avec les Toturi ou les Iweko. Bon nombre des seigneurs de ces familles Impériales avaient eux-mêmes des épouses du Clan de la Grue, aussi restaient-ils extrêmement ouverts à son influence. Cela ne représentait pas autant de pouvoir que lorsque l'Impératrice était issue de ses rangs, mais c'était toujours mieux que ce dont les autres disposaient.


La deuxième source de son pouvoir tient à la mainmise du clan sur les ressources essentielles. Les provinces du Clan de la Grue produisent à la fois du riz et des articles de luxe en abondance, deux denrées extrêmement recherchées par chaque faction de l'Empire. Un seigneur accablé par une saison de mauvaise récoltes pourra compter sur une enquête discrètement menée par un courtisan du Clan de la Grue, quand un autre envisageant de recevoir l'Empereur, ou tel autre dignitaire haut placé, se verra offrir de la soie de première qualité pour vêtir son personnel de maison, sans compter des objets d'art raffinés pour décorer sa demeure ainsi que les variétés de thé et d'encens les plus prisées. En retour, il va de soi qu'on attendra de lui qu'il n'oublie pas le Clan de la Grue le jour où son aide sera requise.


Il est encore bien d'autres services hautement désirables que peut rendre le Clan de la Grue. Par exemple, trouver de bons partis pour leurs enfants est une des tâches les plus importantes pour les samurai, et le clan est réputé pour l'habileté et la bienscéance irréprochable de ses nakado (entremetteurs). Le clan peut aussi aider à faire de l'enfant un meilleur parti, en lui désignant comme tuteur un artisan Kakita pour son éducation artistique, la poésie, la calligraphie et l'ikebana étant les disciples les plus prisées. Bien sûr, la faveur suprême en la matière consisterait à donner à l'enfant la possibilité de s'inscrire à l'Académie Kakita, le genre d'insigne privilège qui peut laisser une famille redevable pour une génération entière.


Même ceux qui n'ont plus à se soucier de marier leurs enfants peuvent trouver de l'intérêt à entretenir de bonnes relations avec le Clan de la Grue, vu qu'un de ses courtisans habiles représente une mine de faveurs et d'alliés à disposition en provenance des quatre coins de l'Empire. Que l'on ait besoin d'une consultation avec un prêtre Isawa, de documents officiels pour voyager dans les provinces du Clan de la Licorne, ou d'une invitation dans la maison de geisha la plus chic de Ryoko Owari, un courtisan pourra toujours arranger cela... en échange d'une faveur à déterminer plus tard.


Ces propositions d'assistance sont généralement bien reçues, et en règle générale, les samurai des autres clans aiment traiter avec celui de la Grue. Il s'agit là, de fait, d'un autre aspect du pouvoir du clan : les faveurs s'accumulent, car s'ils ont le choix, la plupart des samurai iront s'adresser prioritairement à un courtisan du Clan de la Grue. A la différence des brutaux Yoritomo, des obséquieux Yasuki, ou encore des sinistres personnages du Clan du Scorpion, les courtisans du Clan du Clan de la Grue sont des gens charmants et amicaux, qui influencent les autres en leur offrant simplement ce qu'ils désirent. Une technique presque infaillible pour se faire des amis. La réputation on ne peut plus honorable du Clan de la Grue est également un atout : quand vous acceptez une faveur d'un courtisan du Clan de la Grue, vous pouvez raisonnablement compter sur le fait que rien de déshonorant ne vous sera demandé en retour (ce sera peut-être cher ou difficile à obtenir, mais nullement déshonorant). Ceci est extrêmement important aux yeux des seigneurs et courtisans issus des clans les plus honorables...ce qui aide à saisir pourquoi, même lorsque les clans du Lion et de la Grue sont à couteaux tirés, on n'observe aucune baisse de régime dans les échanges de faveur entre eux. Même les courtisans du Clan du Scorpion préfèrent parfois traiter avec un pair du Clan de la Grue avant de se tourner vers un de leurs confrères dont les allégeances seraient différentes des leurs : se retrouver empêtré dans les machinations d'autrui est une source d'ennuis dont on se passe bien.


L'envers de la capacité à accorder des faveurs est l'aptitude à rejeter certaines requête. Il s'agit là d'une autre facette du pouvoir politique du Clan de la Grue. Un samurai qui s'est attiré la défaveur d'un courtisan du Clan de la Grue aura beaucoup de mal à voir ses requêtes satisfaites : non seulement s'est-il exclu du réseau de faveurs du Clan de la Grue, mais rares seront les courtisans des autres clans qui voudront bien lui rendre service, à moins qu'ils aient eux-mêmes compromis leur relation avec celui de la Grue. On fera pression sur les débiteurs du clan pour qu'ils ne traitent pas avec lui, et quiconque envisage d'avoir un jour affaire avec le clan évitera le malchanceux comme la peste, de peur de compromettre une telle perspective.


Bien sûr, un courtisan habile et résolu trouvera toujours moyen d'opérer en dépit de la désapprobation du Clan de la Grue, et s'il se montre brillant dans l'entreprise, il se pourrait même que ses membres décident de prendre des mesures énergiques contre lui. Le Clan de la Grue réprouvre l'assassinat, un genre de pratique qu'il juge non seulement illégal, mais aussi hautement déshonnorant, et qu'il préfère laisser au Clan du Scorpion. Les meurtres sont de fait totalement étrangers à la mentalité du clan puisqu'ils ne requièrent nul talent (du moins, aucun talent qui vaille la peine d'être développé selon le Clan de la Grue), que leur exécution ne donne pas l'occasion de briller, qu'il ne présentent aucun aspect théâtral exploitable, et qu'il est bien délicat de s'en vanter publiquement par la suite. Même les Daidoji, qui considèrent le meurtre par embuscade des officiers ennemis comme la priorité numéro un en temps de guerre, soutiendront avec passion que ce qu'ils font n'a rien à voir avec "l'assassinat" dans le sens où on l'entend à Rokugan. Par conséquent, lorsqu'un courtisan du clan à besoin d'éliminer un rival gênant, il s'emploie à le prendre au piège d'un duel qui lui sera fatal, en choisissant un duelliste Kakita comme champion. Le perdant d'un duel n'est pas moins mort que le pauvre bougre qui se fait empoisonner au petit-déjeuner ou poignarder dans une allée sombre, et après, on n'a pas à se soucier de complications aussi honteuses qu'inutiles avec les magistrats Impériaux. Bien au contraire, un duel victorieux amène à la fois gloire et honneur, choses dont on peut se vanter à loisir.


C'est une des raisons principales pour laquelle on affecte aux courtisans de premier plan un duelliste Kakita comme yojimbo : ce dernier ne sera peut-être pas aussi bien taillé qu'un Daidoji pour sauver la vie du courtisan lors d'une embuscade, mais nombre de négociations ont été facilitées par la menace implicite que représente un duelliste se tenant au garde-à-vous derrière le diplomate. Le Clan de la Grue préfère généralement que les menaces restent voilées, comme il sied à une société civilisée. En outre, les duels meurtriers sont évités autant que possible, à moins d'être absolument nécessaires : quand on tue quelqu'un, on se fait généralement des ennemis de sa famille et de ses amis, et si dans certains cas c'est un prix acceptable, le Clan de la Grue préfère, sur le long terme, se faire des amis.

 

 

La Guerre de l'Art

"Cadeau parfait ou coup de sabre parfait : c'est la marque des Doji"

Doji Domotai


L'art est capital pour chaque clan de l'Empire, vu qu'il fait partie de ces choses qui définissent le samurai comme un être civilisé et non un barbare. Manifestement, toutes les formes d'art n'ont pas la même importance aux yeux de chaque clan - les membres du Clan du Crabe sont vites exaspérés par des disciplines telles que l'ikebana, et la sculpture donne la nausée au peuple nomade du Clan de la Licorne – mais chaque clan utilise l'art pour célébrer les hauts faits de ses héros, exprimer ses valeurs et idéaux, et transmettre ses croyances tant aux générations suivantes qu'à l'Empire dans son ensemble. L'art tient également lieu de divertissement pour la caste des samurai et, dans une moindre mesure, pour les gens du commun. Cela peut aller de la courtisane qui assiste avec des amis à une représentation d'un jour entier de théâtre nô au samurai du Clan du Crabe qui s'offre un instant de détente en confectionnant des animaux en origami. De fait, l'art fait à tel point partie intégrante de la vie des Rokugani que peu prennent le temps d'en mesurer le pouvoir sur leurs propres existences.


Le Clan de la Grue ne cesse toutefois jamais d'en prendre la mesure. Dame Doji et son époux Kakita étaient tous les deux des artistes et des saints patrons des arts, incarnant un modèle que leur clan a fidèlement suivi au fil des siècles. Le clan est réputé pour son nombre écrasant d'artisans qualifiés, mais il présente aussi la plus forte proportion d'artistes en tout genre, de ceux qui s'adonnent à un art comme passe-temps ou par vocation. Les poètes et les peintres amateurs abondent dans le Clan de la Grue, et il n'est absolument pas rare que ses samurai conçoivent eux-mêmes le jardin paysagiste de leur propre demeure. Ceux dépourvus de tout talent artistique deviennent amateurs de théâtre, collectionnent les tableaux, dévorent de la poésie, ou cultivent n'importe quel autre centre d'interêt ou passe-temps en lien avec le monde des arts. Et les rares samurai du Clan de la Grue vraiment dénués de sensibilité artistique gardent de toute façon leur opinion pour eux-mêmes, et en public, se complaisent à louer les bienfaits de l'art.


Le Clan de la Grue s'emploie inlassablement à garantir l'importance des arts auprès des autres clans de l'Empire. L'utilité de certains, comme l'art du récit, crève les yeux pour tout un chacun. L'ikebana et la cérémonie du thé, en revanche, ont besoin d'un peu de promotion. Que ces disciplines artistiques, entre autres formes d'art, soient si répandues dans la société Rokugani donne la mesure du dévouement dont le clan fait preuve dans sa mission, tout comme du succès qu'il rencontre dans cette entreprise. Même les membres du Clan du Crabe, qui méprisent la plupart des arts, ressentent le besoin de justifier leur position en invoquant l'importance et la difficulté de leurs devoirs sur le Mur.


La plupart des samurai de l'Empire considèrent que l'on n'a pas l'esprit tranquille quand on s'entretient avec un membre du Clan du Scorpion parcequ'il peut s'agir d'un espion. De la même manière, on estime qu'il est stressant de discuter avec un membre du Clan de la Grue parcequ'il peut s'agir d'un critique d'art.


Puisque l'art est si crucial, il en découle naturellement que l'on peut en user pour influencer les opinions d'autrui. La méthode la plus évidente, celle qu'affectionnent les courtisans du Clan de la Grue, consiste à se servir des arts pour remettre en question le jugement ou les vertus morales de son adversaire. Un seigneur qui omet de parrainer des spectacles de marionnettes lors de grands festivals se moque manifestement de préserver la réputation de sa famille aux yeux du peuple. Un samurai qui ne fait pas refaire régulièrement les peintures et les cloisons coulissantes dans son château est forcément un minable, pingre et superficiel. L'hôte d'une Cour d'Hiver qui prive ses invités de contes, de cérémonies du thé, de performances théâtrales et de concours de poésie, insulte à l'évidence leur intelligence ainsi que leur goût. Les possibilités sont infinies, et les courtisans de la Grue s'emploient à les pointer avec zèle, en particulier parceque leur clan est à la source de ces formes d'art.


Une manière plus subtile d'exercer une influence à travers les arts tient au pouvoir de décider ce qui définit la "qualité" d'une oeuvre dans Rokugan. L'Académie des Artisans de la famille Kakita fait des membres du clan les maîtres incontestés du bon goût rokugani. Le Clan du Scorpion possède une tradition théâtrale florissante, les Shiba ont des peintres et des sculpteurs de grand talent et d'une exquise sensibilité, les Ikoma produisent des conteurs d'une habileté éblouissante... Tout le monde sait que c'est vrai... parceque les Maîtres Kakita le disent. De grands artistes ont émergé dans chaque clan, même parmi les ronins, mais nul n'a été reconnu comme tel par le reste de l'Empire avant que les Kakita n'aient donné leur approbation.


Une telle autorité provient en premier lieu de la tradition, source de pouvoir inépuisable dans une société qui vénère avant tout ce qui est ancien. Dame Doji était la Kami la plus versée dans les arts, il est donc manifeste que son clan devrait prévaloir dans tout ce qui concerne la sphère artistique. Mettre ceci en question équivaudrait à contester la primauté du Clan du Lion en matière de guerre ou celle du Clan du Phénix en matière de magie. Il faut dire qu'au fil des siècles, le Clan de la Grue a investi une énergie et des richesses considérables pour maintenir cette autorité. Les parents d'enfants prometteurs sont vivement encouragés à les envoyer à l'académie Kakita, aussi le clan ne manque-t-il jamais d'artisans habiles. Les seigneurs du clan envisagent les dépenses pour l'art et les artistes avec le même soin que celles qu'ils consacrent aux bushi et aux fortifications. De leur point de vue, dépenser pour les arts n'a rien d'un luxe frivole; c'est un investissement dans ce qui fait l'identité intrinsèque du clan.


Bien évidemment, les courtisans du Clan de la Grue sont toujours ravis de prêter assistance à leurs amis et alliés pour toute question relevant de la sphère artistique, générant ainsi un flux régulier de faveurs et de débiteurs pour leur clan. Si un daimyo ou un courtisan de premier plan décide de construire une nouvelle maison, ou d'en rénover une ancienne, les Doji s'assureront qu'il dispose bien du dernier cri en matière de jardins et de peintures. Dans le même ordre d'idées, ils feront en sorte que chaque festival soit rendu plus mémorable que le précédent par les représentations de talentueuses troupes de kabuki. Ils s'assurent que leurs invités se sentent honorés et bienvenus en les accueillant avec d'exquis arrangements floraux dans leurs chambres. Tout le monde dans l'Empire sait que le Clan de la Grue n'a pas son pareil pour fournir ce genre de chose, et qu'en la matière, ce qu'il offre est toujours de premier ordre.


Cette façon de faire la pluie et le beau temps sur les arts peut se retourner de manière défavorable pour censurer des artistes ou des représentations que le Clan de la Grue juge déplaisants, gênants ou choquants. Un dramaturge du Clan du Lion peut très bien ravir son monde avec des pièces dépeignant les samurai du Clan de la Grue comme de vils poltrons, mais ses oeuvres ne seront jamais jouées en dehors des terres de son clan une fois que les Kakita auront critiqué son style laborieux ou la construction maladroite de ses scènes. Même les membres du Clan du Scorpion, rivaux de toujours du Clan de la Grue à la cour, éviteront un artiste précédé d'une telle réputation : il y a bien trop à perdre à défier à la légère les Maîtres Kakita. De la même manière, il se pourra qu'un diplomate rival particulièrement gênant à la Cour Impériale se trouve affreusement embarassé si le peintre qu'il encense est tourné en ridicule par les Kakita pour la grossièreté de ses compositions et de sa technique. Bien sûr, ce genre de tactique ne fonctionne que s'il y a véritablement des défauts à exploiter, mais rares sont les artistes dont le travail est au-dessus de toute critique. Par conséquent, lorsque le Clan de la Grue décide de censurer un artiste, il se concentre exclusivement sur ses points faibles et ignore souveraienement ses atouts. On acceptera presque unanimement un tel jugement sans poser de question à partir du moment où il émane du Clan de la Grue...dont les membres sont, après tout, experts en la matière. Même les samurai qui s'y connaissent dans l'art en question préféreront généralement se ranger à l'avis du Clan de la Grue plutôt qu'entrer dans des débats acrimonieux ou accuser les Kakita de mensonge. Après tout, le duel fait partie des nombreux arts dans lesquels s'illustrent les représentants du clan.


Les Kakita eux-mêmes préfèrent éviter autant que possible ce genre de pratique, car pour nombre d'entre eux, c'est flirter dangereusement avec un comportement déshonorant. Dame Doji et Sire Kakita étaient réputés honnêtes et parfaitement honorables : ils n'auraient pas menti sur la qualité d'une oeuvre d'art. Les Maîtres Kakita se plaisent à rappeler le récit édifiant de Kakita Itoku, bien qu'ils n'aient pas souffert qu'il circule en dehors de l'Académie.


Vivant sous le règne de Hantei XI, Kakita Itoku était un peintre hautement considéré. On lui demanda d'être juré pour un concours de peintres opposant l'artiste favori de l'ambassadeur du Clan du Phénix à la cour à un jeune espoir admiré par le Champion du Clan du Lion. Si le coup de pinceau du peintre du Clan du Phénix révélait une légère supériorité technique, la toile du peintre du Clan du Lion montra une composition saisissante, qui frappait par sa clarté en donnant libre cours à la vision de l'artiste. Itoku était sur le point de se prononcer en faveur de ce dernier quand le courtisan qui l'avait fait venir le prit à part pour le sommer de faire gagner le peintre du Clan du Phénix. Le courtisan était en train de négocier un important traité commercial avec l'ambassadeur qui parrainait l'artiste, et il avait besoin de son soutien. La situation déplaisait férocement à Itoku, mais le courtisan ne voulut rien entendre et le juré obtempéra. Par la suite, il assista avec horreur à la colère noire du Champion du Clan du Lion, qui bannit le peintre malheureux, lequel avait encore ses faveurs un instant plus tôt. Revenu à l'Académie Kakita, Itoku légua tous ses biens à l'artiste devenu ronin (y compris sa fille aînée qu'il lui offrit en mariage) avant de faire tranquilement seppuku dans son atelier. D'un point de vue technique, vu qu'il n'avait pas demandé la permission à son seigneur, le seppuku d'Itoku était illégal, mais après avoir vu des échantillons du travail du peintre banni par le Clan du Lion, les Maîtres Kakita décidèrent de considérer cela comme un acte légitime de kanshi, un seppuku effectué en protestation contre un ordre injuste de son suzerain. Sa mort servit d'exemple pour rappeler que l'art exige un comportement en tout point honorable, et que nul artiste ne peut espérer échapper à cette règle.

 

 

Idylles de Cour

"Un dilemme entre l'amoue et l'honneur s'achève toujours dans le sang."

Doji Nagori, conteur du douzième siècle


Les Rokugani ont des vues contradictoires sur l'amour. C'est une tentation qui amène à se comporter de manière déshonorante, mais c'est aussi une magnifique expérience digne d'être vantée par les poètes. L'amour est une distraction qui détourne du devoir et de la loyauté, et pourtant Benten, Fortune de l'Amour Romantique, n'est pas seulement une des Sept Fortunes Majeures, mais souvent aussi leur porte-parole, lorsqu'elles apparaissent aux mortels. L'amour est généralement considéré comme une émotion pour le vulgaire, mais même des Empereurs se sont laissés influencer par ce sentiment : Hantei XVII prit ses dispositions, au mépris de la tradition, pour être enterré au Château du Chêne Pâle sur les Terres du Clan du Phénix, lieu de naissance de son épouse bien-aimée.


Un pénomène de cette compléxité requiert l'étiquette pour le remettre sur la bonne voie, et le Clan de la Grue ne s'est jamais dérobé à ce devoir envers l'Empire. Il a développé au fil des siècles toute une méthode pour avoir des liaisons qui en glorifient au maximum les deux parties (en supposant, bien sûr, que celles-ci le désirent) tout en minimisant les risques d'être embarassé en public, voire accablé de honte ou de disgrâce. En amour, comme pour tant d'autres choses à Rokugan, se donner en spectacle est le plus impardonnable des péchés.


La première étape pour engager une liaison amoureuse consiste à faire connaître vos sentiments à l'être aimé dans l'espoir qu'il ou elle les partage. On considère traditionnellement que c'est à l'homme de faire le premier pas; mais il existe pour une femme bien des moyens acceptables aux yeux de la société de lui signifier qu'elle attend ses avances, aussi s'agit-il plus d'un détail technique que d'une réelle indication sur qui fait le premier pas.


On estime généralement que la meilleure méthode consiste à envoyer un court poème laissant transparaître les sentiments de son auteur. Un ikebana lourd de sens, un origami plié avec astuce ou une peinture feront l'affaire pour qui se sent plus dans son élément dans ces arts. Quelle que soit l'approche choisie, l'homme ne doit pas laisser son nom figurer sur le cadeau, au risque de jeter le déshonneur sur les parties en présence, aussi devra-t-il imaginer un autre moyen de faire comprendre son identité. Ce n'est pas toujours facile, et l'intrigue de nombreuses pièces de kabuki ou de nô tourne autour des conséquences tragiques d'un malentendu sur la provenance d'un cadeau. Certains samurai, en particulier parmis ceux des clans du Crabe et de la Licorne, trouvent ces subtilités bien trop délicates à gérer et préfèrent joindre un petit mot allant droit au but, sans se soucier des éventuelles conséquences. Les membres du clan de la Grue jugent cela idiot et grossier, mais selon la sincérité de l'auteur des lignes, son talent de calligraphe ou le tempérament du destinataire, le destinataire pourra éventuellement tolérer ce genre d'approche. Plus d'une jeune fille est encline à trouver tous ses dehors frustres, un samurai mal dégrossi peut être absolument charmant.


Une fois que la femme a reçu le gage d'affection et deviné de qui il provenait, elle doit décider si elle désire débuter une liaison avec lui. La question est vite résolue si elle se sent déjà attirée, mais dans le cas contraire, cela mérite mûre reflexion. Qu'y a-t-il d'intéressant chez cet homme ? Une aventure avec lui serait-elle agréable ou ennuyeuse ? Un nombre étonnant de liaisons secrètes s'engagent pour tromper l'ennui plutôt que par folle passion. C'est particulièrement commun durant les Cours d'Hiver, et de fait, on considère ce genre d'amourette comme les aventures sentimentales les plus respectables et sans danger : une relation légère où l'on ne se refuse rien est exempte de la profondeur émotionnelle qui risquerait de contrarier les exigences de l'honneur et du devoir. Toutefois, même les passades que l'on s'autorise à titre de divertissement peuvent receler du danger : le pouvoir de Benten est considérable et le grand amour naît parfois des circonstaces les plus inattendues.


Si la femme décide de donner suite, elle répond favorablement. Sa réponse peut également prendre la forme d'un poème sans signature apposée. Comme l'amour est susceptible de contrarier les exigences de l'honneur et du devoir, personne ne devrait jamais avouer publiquement qu'il est amoureux. D'un autre côté, une ingénieuse déclaration d'amour en public, le genre où l'on se retient de nommer directement l'objet de son affection, en laissant à la perspicacité des témoins le soin de deviner la vérité, sera pour le moins considéré comme un coup de maître dans la bonne société Rokugani, et rehaussera le plus souvent la réputation des individus impliqués. En réalité, c'est une manière de s'enorgueillir de sa propre malice tout en respectant les normes et règles en vigueur dans la société, ce qui n'est pas sans évoquer le guerrier qui se vante de ses victoires sur le champ de bataille.


Une fois la liaison engagée, les deux parties commencent à passer du temps ensemble. Les Rokugani ne se donnent pas de "rendez-vous galants", et on juge inconvenant pour un homme et une femme qui ne sont pas mariés de se retrouver seuls dans l'intimité. Par conséquent, ces rencontres se font soit en public avec le prétexte qui convient, soit clandestinement. Les prétextes de rencontre en public comprennent les promenades dans les jardins, les cérémonies du thé ou les jeux de cour tels que le shogi, le go, le sadane ou le kemari. Bien des histoires d'amour célèbres ont débuté devant un plateau de jeu de go. La critique d'art peut aussi servir d'alibi à des rencontres, vu qu'il est de coutume pour un samurai qui a fait l'acquisition d'une nouvelle toile ou d'un livre de poésie d'inviter des amis à venir l'admirer. Et bien sûr, ce genre de scène est vite prétexte à un va-et-vient incessant de billets doux et de poèmes entre les amoureux : personne ne pourra véritablement prétendre avoir une liaison si la poésie ne joue pas un rôle, d'une manière ou d'une autre. Aucun de ces poèmes n'est signé, pas seulement par pudeur, mais aussi parcequ'il est communément admis que le destinataire les fera passer afin que son cercle d'amis puisse les admirer.


Si beaucoup de liaison prennent une dimension charnelle, on en compte tout autant qui s'en abstiennent. En effet, quelques-unes des histoires d'amour les plus célèbres de Rokugan furent strictement platoniques. Prenons par exemple Asako Matsigoshi et Shiba Yusuko, deux samurai du sixième siècle profondément épris l'un de l'autre. A la mort de son suzerain, Matsigoshi se tondit le crâne et se retira dans un monastère pour preuve de son chagrin. Yusuko l'imita sur-le-champ, se rasant le crâne et se retirant dans un couvent. Ils passèrent le restant de leurs jours à s'écrire des lettres, mais ne se revinrent jamais. A Rokugan, une telle histoire d'amour est considérée comme ayant eu une fin heureuse, et nombreux sont les amants qui se sont promis une fidélité semblables à celle de Matsigoshi et Yusuko.


Si l'idylle devint charnelle, il est de coutume pour les amants de s'échanger des éventails en signe de dévotion après leur première nuit commune. D'ordinaire, les éventails sont conservés dans le secret en tant que gages d'affection, mais ils peuvent êtres montrés en public si l'envie prend l'une des parties, voire les deux, d'attirer l'attention sur l'idylle. C'est quelque peu malséant, et considéré comme un geste osé, voire un brin choquant, mais puisque l'éventail représente le cadeau typique par excellence, on sera prompt à excuser, si nécessaire, l'usage de celui de quelqu'un d'autre. Tant que la possibilité de démenti reste plausible, la réputation des amants ne souffrira que très peu, voire pas du tout.


La tradition du billet du lendemain est encore plus importante : après leur première nuit ensemble, l'homme envoie à la femme un billet doux en forme de poème. Ne pas le faire expose à des conséquences qui peuvent aller de l'interruption immédiate de la liaison au déclenchement d'une vendetta de longue durée avec l'ex-amante outrée. Cela peut s'avérer problématique pour qui n'a aucun talent en poésie, et pour ne pas être pris de court, certains tâcheront de composer à l'avance quelques poèmes "du lendemain", ou de les faire écrire en cachette par un pinceau mieux inspiré. Bien des poètes de cour se sont notablement enrichis en officiant comme nègres des riches et des puissants.


Certaines liaisons durent toute la vie des amants, mais les cas sont rares. Plus fréquemment, la perte d'intérêt de l'une des parties, voire des deux, scelle la rupture. Rompre peut cependant s'avérer délicat, vu qu'au moindre manque de tact, on en vient vite aux insultes ou aux accès d'amertume propres au chagrin d'amour. La méthode habituelle consite à envoyer une lettre d'excuse et, naturellement, un poème. Un "je ne t'aime plus" représente la pire excuse possible, et n'est d'usage que lorsque l'expéditeur cherche délibérément querelle à son ancien amour...ou quand il appartient au Clan de la Licorne, dont les membres sont bien connus pour ne pas s'embarasser de subtilités en la matière. Les excuses plus acceptables sont du type "Mes parents ont eu vent de notre idylle et m'ont interdit de te revoir", "Ma femme est souffrante, je dois rentrer à la maison pour être à ses côtés", "Maintenant que l'été est venu, le devoir m'incombe de m'occuper de la propriété de mon mari", ou encore "Je crains que ma passion pour toi n'ai raison de tous mes autres sentiments, même de l'amour que je porte à mon suzerain". Toutes ces formulations soulignent le fait que l'autre partie n'a absolument rien à se reprocher, l'expéditeur mettant en avant qu'il est l'objet de pressions extérieures. Le poème devrait idéalement exprimer le chagrin causé par la fin de l'idylle tout en laissant entendre, en même temps, que c'est là le cycle naturel des choses.


Si l'excuse est acceptable et formulée avec bon goût, l'autre partie est censée admettre la fin de l'idylle et passer à autre chose. L'amant délaissé est libre de pleurer tout son saoul dans l'intimité, mais en public, il ne doit rien laisser transparaître de ses émotions sur le sujet. Ce n'est bien évidemment pas facile : bien des samurai luttent pour garder la face en public après la fin d'une liaison passionnée. Se prétendre temporairement malade constitue une stratégie très courante pour faire face à la situation, puisqu'elle justifie de pouvoir rester dans sa chambre pour quelques jours. Décider que l'on doit absolument partir en pélerinage pour se rendre dans un lieu saint des environs représente une option encore meilleure, vu que cela éloigne de la cour le samurai au coeur brisé tout en cultivant chez lui une piété apparente.


L'amour à Rokugan offre de nombreuses possibilités : l'occasion de se faire un allié de poids, de la renommée ou une intimité salutaire et un soutien affectif. Mais les idylles ne sont pas toutes harmonieuses, et ne se terminent pas toutes selon les potocoles de bienséance prônés par le Clan de la Grue. Parfois, la passion est trop intense pour permettre une rupture conforme à la bienséance. Parfois, la perspective d'épouser quelqu'un d'autre par devoir devient insupportable pour des amants qui ne peuvent envisager d'être séparés. Ce genre de situation se solde inévitablement par une tragédie. Il arrive que les amants voient leur amour exhibé sur la place publique et qu'ils soient contraints de faire seppuku, ou qu'ils se suicident ensemble de leur propre chef, dans l'espoir de renaître dans une vie meilleure où ils trouveront enfin le bonheur à deux. De tels contes tragiques font des sujets très appréciés des chansons, de pièces de théâtre ou de notes de chevet : des oeuvres édifiantes, quoique fonctionnant sur le registre de l'empathie, qui rappellent au samurai ses propres faiblesses humaines, ainsi que les dangers qu'il y a à laisser l'amour gouverner son coeur.


Ecole Avancée de la Grue : Kenshinzen (Bushi)

Si les duels de iaijutsu ont toujours été le domaine du Clan de la Grue, les Kenshinzen en sont les maîtres absolus. En combat singulier, ces véritables monstres dominent leurs adversaires de leur technique sans faille et de leur aura mortelle. Ces guerriers dégainent leur sabre à la vitesse de la lumière tout en recherchant la perfection du coup unique. Pour devenir un Kenshinzen, il faut vaincre un Kenshinzen confirmé lors d'un duel iaijutsu licite. Le combat n'est pas nécessairement à mort (c'est d'ailleurs rarement le cas), mais le candidat doit le remporter à la loyale. Le Kenshinzen reste parfaitement calme sur le champ de bataille malgrès le chaos des affrontements qui font rage tout autour de lui. Capable de ressentir chacun des moments qui séparent ses battements de coeur, cela lui permet de frapper précisément au moment voulu. Sa volonté de vaincre son adversaire saute aux yeux de tous.


Ecole Avancée : Maître Artisan Kakita

Les plus talentueux des Artisans Kakita sont initiés aux techniques secrètes de la perfection artistique qui se transmettent depuis l'aube de l'Empire. Ces méthodes ont été mises au point par quelques-uns des plus grands de l'Empire. Leur maîtrise est inconcevable pour la plupart des élèves de l'Académie, c'est pourquoi on ne les enseigne qu'aux véritables prodiges. Cette difficulté suprême explique aussi que ces secrets ne sont pas réservés aux élèves de l'Académie des Artisans : pour pouvoir prétendre au titre de Maître Kakita, il faut simplement être du Clan de la Grue et manifester un talent artistique qui touche au sublime. Quand ils côtoient la quintessence, les Maîtres Kakita peuvent aller jusqu'à altérer brièvement la réalité, pénomène qui laisse pantois les shugenja qui l'ont étudié. Certains émettent l'hypothèse que leur talent artistique est d'ue perfection telle qu'elle émeut les kami qui se manifestent ainsi, mais la vérité est que personne ne sait vraiment comme les Maîtres provoquent ces effets.


Voie : Garde de l'Impératrice (Bushi)

La famille Doji a toujours été étroitement liée à la dynastie impériale depuis l'aube de l'Empire. Au fil des ans, ce lien lui a valu de grandes faveurs, mais aussi d'importantes responsabilités. La Garde de l'Impératrice renferme certains des meilleurs guerriers du Clan de la Grue. Ils s'entraînent dans le but de protéger l'Impératrice en personne et se donnent beaucoup de mal dans ce sens. Seule une poignée de Gardes de l'Impératrice sert en même temps, les autres s'entraînant pendant ce temps pour ne rien perdre de leurs talents.






 


 

 


 
 
 

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