Le
Clan de l'Araignée
"Vous
ne pourrez jamais accéder à l'illumination avant de voir au-delà
de la lumière."
Sahara
testa le tranchant de son katana avec son pouce. Il n'obtiendrait pas
mieux avec une lame pareille. Le sabre était solide et plutôt bien
équilibré. Bien sûr, il n'avait rien avoir avec ceux des Kakita ou
des Mirumoto. Le jeune ronin renifla de mépris rien qu'en y pensant.
Son arme ne payait peut-être pas de mine, mais elle lui suffisait.
Inutile d'avoir eu affaire à ces duellistes renommés pour savoir
qu'aucun d'eux n'avait jamais eu à trouver un maître qui veuille
bien l'entraîner ni à casser des branches parce qu'il n'avait pas
les moyens d'acheter un bokken digne de ce nom. Lui, il avait obtenu
ses talents à la sueur de son front.
Au fond, il avait bien
conscience que maudire ses origines et le père qui l'avait abandonné
ne servait à rien. À quoi bon ? Mieux valait se concentrer sur ce
qu'il pouvait changer. D'ailleurs, ce n'était pas à force d'injures
qu'il arrêterait les bandits qui se préparaient à attaquer Juujiro
Mura. Sahara détestait le terme de mercenaire. En ce qui le
concernait, il n'était pas différents des samurai aux ordres des
clans. La seule chose qui changeait, c'était l'origine de leurs
koku. Et de toute façon, si l'Empire s'occupait correctement des
bourgs comme celui où ilnse trouvait, personne n'aurait besoin
d'homme comme lui.
L'alarme retentit dans tout le village,
Sahara laissa tomber son fourreau grossier sur le sol, sortit en
trombe de la chambre sordide où il logeait et se précipita vers la
porte de l'auberge. Dès qu'il entendit le bruit du combat, il
raffermit sa prise sur le manche de son katana. On avait donné
l'alerte trop tard ; un de ces imbéciles avait dû s'endormir ou
contempler un peu trop les étoiles. À quoi bon poster des
sentinelles si elles ne montent pas la garde ?
Les bandits
envahissaient les lieux en hurlant leur rage et en ricanant. Les
cavaliers étaient les premiers sur place, mais Sahara pouvait aussi
voir le reste de leurs hommes un peu plus loin. Ils dévalaient la
colline à pieds, comme il s'y était attendu.
En revanche, il
n'imaginait pas qu'ils seraient aussi nombreux.
Les paysans
possédaient bien quelques armes de fortunes, mais les brigands
tuaient sans mal ceux qui étaient assez courageux ou assez fous pour
les brandir. Sahara savait déjà que rien ne pourrait plus empêcher
le village de se faire piller... ou pire encore. Certains cavaliers
portaient des torches.
Le chef des bandits se mit à vociférer
: "Tuez tous ceux qui résistent ! Et la moitié des autres !"
À première vue, il avait l'air bien portant avec ses joues rondes.
Sa carrure massive racontait cependant une autre histoire. Elle
trahissait une vie d'adversité et de travail. Il avait une lame
courbe à la main, la même que celle du clan de la Licorne que
Sahara avait aperçus dans une des villes à la frontière.
Sahara
inspira profondément et traversa la distance qui les séparait d'un
trait. Le chef ne le remarqua pas avant qu'il ne se soit posté sur
sa gauche, hors de portée de l'énorme lame. Sahara plongea aussitôt
son katana dans le flanc du cheval, tranchant au passage le mollet du
brigand. L'animal s'effondra dans un hurlement ; le bandit essaya
tant bien que mal de sauter à terre ; mais c'était peine perdue
avec sa blessure. Sahara en finit avec lui d'un coup vif. C'était
fait, la bande n'avait plus personne à sa tête.
Il
ne pensait pas que ça suffirait. Même si son attaque avait pris les
voleurs au dépourvu, ils étaient tout simplement trop nombreux. Il
n'allait pas jouer les héros et massacrer une centaine d'hommes à
lui tout seul. Le plus sage aurait été de prendre la fuite... mais
il avait déjà accepté l'argent des villageois.
Quelle est
le différence entre un ronin et un samurai, déjà ?
L'origine
de leurs koku ? Sahara fit volte-face, bien décidée à
affronter les bandits, et hurla en signe de défi.
Comme pour
lui répondre, des cris de paniques éclatèrent dans les rangs des
brigands. Sahara aperçut alors une nouvelle vague de samurai. Ils
arrivaient aussi par la colline, mais ils étaient différents. Les
nouveaux venus s'attaquaient aux brigands sans faire de quartier. Des
montures fraîches, des guerriers aussi puissants que compétents...
Sahara admira leur grâce et leur violence un instant avant de
profiter de la diversion pour reprendre le combat. Les pillards
furent vaincus en quelques minutes à peine. Armés ou non, ceux qui
essayèrent de se rendre furent tous exécutés sommairement. Même
s'ils ne méritaient rien d'autre, Sahara n'en revenait pas, car
personne n'hésita un seul instant.
Les étrangers portaient
des vêtements sombres et Sahara ne reconnaissait pas leur emblème.
Il regarda avec méfiance l'un d'entre eux s'approcher de lui. Le
cavalier inclina respectueusement la tête pour le saluer.
-
Tu t'es bien battu. Quel est ton nom ?
- Sahara, je suis un
ronin. Les villageois m'ont engagé pour les protéger.
L'étranger
lui fit à nouveau un signe de tête.
- Ces gens ont assez
souffert. C'est nous qui allons te payer. Sahara s'inclina pour le
remercier et cacher sa surprise. L'homme reprit :
- Je m'appelle
Gyoken. Tes talents m'impressionnent, Sahara-san. Je me demande
pourquoi une fine lame comme toi ne sert pas une plus grande cause
que sa bourse.
- Rokugan ne s'arrête pas aux clans. Je sers ceux
qui ont besoin d'aide.
Gyoken sourit.
- Bien parlé
Sahara-san ! Et si je te disais qu'il existait une autre manière de
servir le peuple ? Une manière de faire ce que les Clans Majeurs ne
peuvent pas... ou ne veulent pas faire ?
Sahara resta pensif un
moment.
- J'imagine que je voudrais en savoir plus.
Le sourire
de Gyuken s'élargit.
- Tant mieux. Alors, laisse-moi te parler
du Clan de l'Araignée...
Les Familles du Clan de l'Araignée
Le
Clan de l'Araignée ne devint pas à proprement parler un clan avant
l'extrême fin du douzième siècle. Il ne compte pas d'anciennez
lignées et ses "familles" n'en sont qu'au sens le plus
large du terme. Il existe cependant une exception : bien que ce soit
difficile à croire, la famille Chuda prétend descendre du Clan
corrompu du Serpent, qui fut décimé lors des Cinq Nuits de la Honte
(pour plus de détail sur ces événements, vous pouvez consulter les
pages 207-208 du chapitre consacré au Clan du Phénix).
La
Famille Chuda
"La
chair est plus facile à corrompre que l'esprit. Mais lorsqu'un homme
vous donne son âme, il devient votre pantin." Chuda Hiroe,
douzième siècle Les Chuda prétendent descendre du Clan du Serpent
et des Chuda d'autrefois, ceux-là même qui tombèrent sous
l'emprise de l'esprit maléfique nommé Shuten Doji et que le clan du
Phénix essaya d'exterminer. Selon la légende, le Clan du Phénix ne
serait jamais parvenu à tous les tuer. Quelques-uns auraient réussi
à s'échapper et à se fondre parmi les ronin. Les plus puissants se
seraient même infiltrés dans la famille Asako et de fait, dans le
Clan du Phénix lui-même. Ils auraient ensuite joué le rôle de
samurai modèle afin de survivre et de pouvoir transmettre les
secrets de la maho à leurs enfants. La fable parle également
d'anciennes reliques qui auraient échappé au massacre et de ceux
qui, tombés sous leur infuence, seraient devenus eux aussi des
héritiers des sorciers.
Mais rien de tout ça n'est vrai. La
famille fut officiellement refonder au douzième siècle lorsqu'Asako
Mishime, un puissant maho-tsukai, reprit le nom à son compte et jura
fidélité à Daigotsu, depuis peu Seigneur de l'Outremonde. Mishime
rassembla rapidement d'autre maho-tsukai. Certains étaient de son
rang, certains voulaient seulement s'en persuader, et d'autres
étaient simplement des hommes avides de pouvoir. Ils rejoignirent
ensuite la Cité des Damnés où ils bâtirent le Temple du Sang.
Depuis lors, Chuda Mishime trompe la mort grâce à ses
pouvoirs maléfiques, et il est encore aujourd'hui le daimyo. Sous
son égide, les Chuda ont toujours loyalement servi Daigotsu et ils
sont récemment devenus les shugenja du Clan de l'Araignée.
Les
membres de cette famille prariquent quasi exclusivement la maho et la
nécromancie. Les morts-vivants qu'ils invoquent ne connaissent ni la
peur ni la pitié et inspirent la terreur à leurs ennemis. Après
avoir fondé le Clan de l'Araignée, Daigotsu leur a bien sûr
demandé de ne pas trop les utiliser de peur qu'ils ne trahissent
leur nature et leurs intentions à tous.
Bizarrement,
certains Chuda souhaitent encore délivrer les âmes de leurs
ancêtres morts au service du Shuten Doji. Ils n'ont pas conscience
qu'ils essaient ce faisant de libérer des maîtres dont ils sont
eux-mêmes les esclaves.
La Famille Daigotsu
Lorsque
Daigotsu érigea la Cité des Damnés afin de donner naissance à sa
version maléfique de Rokugan, il fonda également une famille de
guerrier. Il lui donna son nom ainsi que des règles et une
hiérarchie semblable à celles de l'Empire, mais ne recruta que des
bushi Souillés ou Damnés. Il ordonna aussi à ses hommes de se
comporter comme des samurai de Rokugan afin de pouvoir plus
facilement recruter des ronin lorsque le Clan de l'Araignée
passerait à l'action.
En dépit des apparences, les membres
de la famille Daigotsu n'ont rien en commun avec les autres samurai.
Ils acceptent la Souillure, vénèrent Fu Leng et rejettent le
Bushido en faveur du Shourido de Daigotsu. La plupart d'entre eux
sont des guerriers et s'entraînent aux terribles techniques de
l'École de Bushi Daigotsu. Celà dit, leur choix d'infiltrer
l'Empire les a aussi contraints à mettre sur pied une École de
Courtisan afin de former des espions et de leur apprendre à
exploiter et à manipuler les autres. L'entraînement des Daigotsu se
fonde en grande partie sur la Vertu Noire de la Force et ils sont
nombreux à penser qu'ils devraient tout simplement arracher Rokugan
à l'Emprise des Clans Majeurs. Toutefois, ce serait défier leur
Sombre Seigneur et fouler du pied les Vertus de Contrôle et de
Volonté... Ils agissent donc selon ses désirs, sans se poser de
question.
Les Daigotsu constituent l'essentiel de l'armée et
la plus grande famille du Clan de l'Araignée. Le Sombre Seigneur la
considère comme son bras droit. Il entretient avec elle un lien
similaire à celui des Empereurs de Rokugan avec le Clan du Lion.
La plupart des Daigotsu sont de farouches guerriers et des
diplomates retors. Cela dit, au fil du temps, des hommes et des
entités étranges ont également rejoint leurs rangs et pris leur
nom. On retrouve parmi eux des morts-vivants doués de conscience, de
puissant maho-tsukai comme Yajinden l'Ancien Adepte du Sang, et des
créatures inhumaines telle que le Pekkle no Oni nommé Daigotsu Oki.
Rien ne les unit en dehors de leur obéissance au Sombre Seigneur et
personne ne sait ce qui se passerait si Daigotsu venait à mourir.
Ils pourraient honorer le code des samurai corrompus et se mettre à
servir Kanpeki comme ils ont servi son père avant lui, ou au
contraire se déchirer et sombrer dans la violence que la Souillure
provoque si souvent.
La « Famille »
Goju
Fondée
pour servir le Néant, la famille Goju existait bien avant le Clan de
l'Araignée. Les Goju qui sont désormais au service du Clan de
l'Araignée sont les suppôts du Dragon de l'Ombre, une créature née
de la rencontre entre le Dragon de l'Air et le dernier fragment du
Néant à la fin de la Bataille de la Porte de l'Oubli. Bien qu'il
ait ses propres desseins, le Dragon de l'Ombre a déjà apporté son
aide à Daigotsu à plusieurs reprises. Kyoden, un Goju
particulièrement puissant, a même fini par devenir l'un des proches
conseillers du chef des Damnés et il n'a pas hésité à se
sacrifier pour l'aider à revenir parmi les vivants après la défaite
contre les Quatre Vents.
Cela dit, cette aide n'est pas le
fruit du hasard. Aussitôt après avoir fondé le Clan de l'Araignée,
Daigotsu s'était lui-même mis à la recherche des Goju et pour
d'obscures raisons, le Dragon de l'Ombre avait accepté de lui
accorder son soutien et autorisé ses serviteurs à se mettre au
service d'un autre. Reste bien sûr à savoir ce que cette alliance
représente réellement pour la créature. Bien que le Dragon de
l'Ombre se conduise pour l'instant en ami, ses vraies motivations
restent un mystère.
En attendant, les Goju servent de
shinobi au Clan de l'Araignée. En ce sens, ils ressemblent beaucoup
aux shosuro du Clan du Scorpion. Nombreux sont ceux qui, parmi les
autres familles du clan, s'entraînent à jouer les espions, mais ils
ne sont rien à côté des Goju, ces êtres capables de faire appel
au néant afin d'accomplir des exploits physiques qui dépassent
l'entendement des mortels.
En revanche, personne ne sait ce que les Goju feront si le
Clan de l'Araignée devait un jour agir à visage découvert.
La « Famille »
Kokujin
L'Ordre
de Kokujin fût établi par le moine fou, ancien membre du Clan du
Dragon, Hitomi Kokujin. Au terme d'une carrière mouvementé, Kokujin
s'était enfui dans l'Outremonde en emportant avec lui le Daisho de
Togashi. Là-bas, il rencontra pour la première fois Daigotsu à
l'époque où celui-ci érigeait la Cité des Damnés. Fasciné par
les étranges gobelins au service d'Omoni (Le Sculpteur de Chair), le
moine avait décidé de rester parmi eux et de tatouer quelques-unes
de ces créatures, certains Damnés et une poignée de prisonniers
avec son sang. Comme on pouvait s'y attendre, le pouvoir maléfique
des symboles fit rapidement d'eux des esclaves et les nouveaux
membres d'une étrange "famille".
Même si Kokujin
avait choisi de s'allier à Daigotsu, il ne lui fût jamais vraiment
fidèle. Il avait ses propres ambitions et n'hésitait pas à
abandonner l'Outremonde quand bon lui semblait. D'ailleurs, c'est
bien ce qui causa sa perte. Il décida en effet de fomenter une
révolte paysanne sur les terres du Clan du Scorpion, mais ses plans
tournèrent court et il périt de la main de Bayushi Shinzo.
L'Ordre Tatoué de Kokujin devient dès sa fondation l'un des
principaux groupes du Clan de l'Araignée. Il représentait le
pendant maléfique des ordres du Clan du Dragon et les tatouages
maudits conféraient aux moines d'immenses pouvoirs. Mais tout
bascula à la disparition de Kokujin. Daigotsu savait que le seul
lien qui les unissait résidait dans les dessins sanglants d'un
aliéné mort et enterré. Au lieu de perdre son temps, il préféra
les autoriser à se disperser et à former autant de nouveaux groupes
qu'ils le souhaitaient. À l'issue de la dissolution, quelques moines
restèrent malgré tout à son service, à l'image de Kokujin
Konetsu. Ce dernier finit d'ailleurs par atteindre une position
importante au sein du Clan.
L'Ordre de l'Araignée
L'Ordre
corrompu de l'Araignée fut fondé par Roshungi, un Sohei Damné. Cet
ancien adepte du sang s'était mis au service de Fu Leng après avoir
succombé à la Souillure et lorsqu'il avait appris que Daigotsu
érigeait un temple un l'honneur du Neuvième Kami, il avait
immédiatement rejoint la Cité des Damnés afin de lui jurer
fidélité. Roshungi resta toutefois à distance de Kokujin, à cette
époque l'un des hommes les plus influents du clan. Il n'appréciait
pas les méthodes de l'ancien membre du Clan du Dragon et ne le
trouvait pas assez pieux.
Lorsque Daigotsu décida de fonder
le Clan de l'Araignée afin de corrompre l'Empire, il ordonna à
Roshungi et à ses disciples de reformer l'Ordre de l'Araignée et
leur donna pour mission d'enseigner le Shurido aux peuples et aux
moines de Rokugan. Roshungi lui même fut envoyé dans un petit
sanctuaire près d'un village de Nikesake. Il devait s'y faire
discret et recruter le plus de nouveaux disciples possible.
En
apparence, les moines de l'Ordre de l'Araignée, sont aussi austères,
disciplinés et sereins que ceux de la Confrérie, mais la réalité
est tout autre. S'ils se conduisent de cette manière, c'est
uniquement afin de servir Fu Leng sans se laisser distraire. Ils se
moquent de la noblesse d'âme et de la morale et n'hésitent pas à
commette des crimes si celà peut servir leur maître. Ce sont aussi
des adversaires redoutables une fois démasqués, car ils sont bien
entraînés aux arts du combat.
Roshungi servit de maître et
de guide à l'Ordre jusqu'à ce que le Clan de l'Araignée soit
découvert et que Daigotsu décide de brûler la Forteresse de la
Soie Noire et la Forêt Shinomen. Roshingi connaissait la valeur
symbolique de cet acte et dédia l'incendie à Fu Leng. Toutefois, il
savait aussi que si les hommes du clan ne parvenait pas à s'enfuir,
les plans de Daigutso n'auraient pas d'avenir. Il mit donc tout en
œuvre pour protéger leur retraite et perdit la vie en combattant
les hommes du Clans du Lion qui s'étaient lancés à leur poursuite.
À sa mort, se fut son plus fidèle disciple, Michio, qui le remplaça
à la tête de l'Ordre.
L'Ordre du Venin
Contrairement
à l'Ordre de l'Araignée, l'Ordre du Venin est bien plus ancien que
le Clan de Daigotsu. Il constitua d'abord une branche dissidente de
la Confrérie de Shinsei. Ces membres étaient entièrement dévoués
à la pratique des arts martiaux et personne, pas même les disciples
D'Osano-Wo, ne pouvaient réaliser avec eux.
Avec le temps,
l'obsession pour le combat des moines avait peu à peu pris le pas
sur tout le reste, y compris les enseignements de Shinsei. Ils
avaient abandonné la recherche de l'Illumination et s'étaient mis à
servir leurs intérêts, à suivre une Fausse Voie. Ils avaient
ensuite commencé à arpenter Rokugan à la recherche des bandits et
d'excuses pour se battre. Bien sûr, ils ne tardèrent pas à voir le
mal partout. Même lorsqu'il existait une autre solution, ils
voulaient tout résoudre par la violence, y compris les incidents les
plus insignifiants. Au final, ils s'étaient même mis à inventer
des conflits et à s'en prendre à tout le monde.
Les choses
basculèrent définitivement lorsqu'un groupe de moines de l'Ordre du
Venin sauva un village d'une attaque de brigands... et tua ensuite
son chef et quelques-uns de ses habitants sous prétexte qu'ils
n'avaient pas été capables de se défendre tout seul. Le reste de
la Confrérie de Shinsei, déjà très préoccupé par leurs excès,
décida cette fois d'intervenir. Elle démantela officiellement la
secte et proposa aux moines de rejoindre un des autres ordres de
l'alliance. Mais peu acceptèrent. Ils restèrent dans l'ensemble
fidèles à leurs idéaux et à leur maître corrompu, Tansen.
Tansen avait rejoint l'Ordre du Venin lorsqu'il était encore
très jeune et s'élevé dans la hiérarchie à force de travail et
de détermination. Il était entièrement dévoué au credo
malveillant des siens et bien déterminé à continuer dans cette
voie. Mais il savait aussi que l'Ordre ne pourrait pas survivre seul.
La Confrérie allait bientôt les déclarer hors-la-loi et ensuite,
ce serait au tour de l'Empire.
Il ne savait plus quoi faire
lorsqu'il entendit soudain parler au mystérieux Clan de l'Araignée.
En pratique, l'Ordre du Venin et le Clan de l'Araignée
consduisaient le même genre d'actions : ils s'attaquaient aux
bandits et aux malfrats sans se soucier du Bushido et de l'avis des
magistrats. Daigotsu vit d'abord l'Ordre du Venin comme une menace,
car il risquait d'attirer l'attention sur les agissements de son
clan. Dès qu'il rencontra Tansen, il comprit toutefois qu'il allait
pouvoir se servir de lui. Daigotsu décida donc d'offrir un refuge à
l'Ordre du Venin et les moines purent reprendre leur entraînement
sous l'égide du Clan de l'Araignée. Ils ne sont pas encore touchés
par Jigoku. En revanche, le culte qu'ils vouent à la force brute
s'accorde très bien avec les principes du Shourido et ils se battent
volontiers pour Daigotsu. Aussi longtemps qu'il respectera leur désir
de violence, il n'aura pas à mettre leur loyauté en doute.
Cachés au Milieu de Tous
Lorsque
Daigotsu fonda le Clan de l'Araignée et l'installa dans la Forêt
Shinomen, ses hommes se retrouvèrent en position d'espionner
l'Empire et de mener des attaques à l'intérieur de ses frontières
sans avoir à éviter les nombreuses défenses érigées pour
repousser les menaces venues de l'Outremonde. Cela dit, ce choix
tactique les rendait aussi plus vulnérables que jamais. Si les
impériaux venaient à découvrir la vérité sur le clan ou sa
forteresse, ils n'auraient aucun mal à les pourchasser et à les
exterminer. Le Clan de l'Araignée devait donc désormais mener sa
mission à la dérobée et prendre soin de dissimuler sa Souillure,
aussi bien à ses recrues qu'au reste de Rokugan.
À l'époque,
le Clan de l'Araignée était essentiellement un groupe de Damnés.
Il pouvait bien sûr toujours faire appel à des servireurs
démoniaques comme les bakemono, les morts-vivants ou les oni, mais
ces derniers l'auraient trahi et ne devaient constituer qu'un ultime
recours. D'ailleurs, la plupart des Damnés étaient eux-même trop
monstrueux ou grotesques pour se déplacer à leur gré dans Rokugan.
Ce furent donc ceux qui n'étaient pas Souillés, ou très peu, que
le clan chargea d'infiltrer l'Empire.
À son apogée, le Clan
de l'Araignée avait au moins un espion au fait des actes et des
décisions de chaque Clan Majeur. Même la purge ordonnée par
impératrice Iweko ne parvint pas à tous les déloger. Le clan avait
parfois été capable d'infiltrer directement les Clans Majeurs, mais
la plupart du temps, ses hommes se trouvaient à l'extérieur, tout
près, de préférence cachés dans les rangs d'un Clan Mineur
au-dessus de tout soupçon.
Ce fut notamment le cas avec le
Clan du Dragon. Daigotsu savait que celui-ci possédait plus d'un
moyen de débusquer les espions, notamment grâce au Miroir de Jade,
un artefact puissant. Il jugea bien trop dangereux d'envoyer un de
ses agents directement parmi ses membres. Au lieu de ça, Daigotsu
mit un homme de confiance en place au sein du Clan de la Libellule,
qui garde les portes des provinces du Clan du Dragon. Ainsi, il
pouvait garder un oeil sur le Clan Majeur.
Le Clan de
l'Araignée s'insinua également dans les rangs du Clan du Moineau.
Les liens que celui-ci entretenait avec le Clan de la Grue faisait de
lui une cible idéale. Cette fois, les serviteurs de Daigotsu
tendirent une embuscade à un couple de samurai. Après s'être
défaits de l'homme, ils soumirent la femme, une certaine Suzume
Chiaki, à un rituel qui la transforma en rokurokubi, un démon qui
conserve l'apparence et la mémoire du mortel dont il s'empare. Ainsi
possédée, elle rejoignit ensuite en secret la famille Chuda et
s'infiltra dans le Clan du Moineau. Avec le temps, elle finit par y
obtenir un poste important et gagner la confiance de tous. À cette
époque, le daimyo du clan n'avait aucun intérêt pour la politique
et il ne tarda pas à lui confier les tâches diplomatiques. Chiaki
profita de son influence pour aider d'autres espions à s'infiltrer,
faisant du Clan du Moineau l'un des principaux repaires du Clan de
l'Araignée dans l'Empire. Bien sûr, si le daimyo devait un jour
découvrir la vérité, les hommes de Daigotsu sont en bonne position
pour le faire tuer et le remplacer par quelqu'un de plus arrangeant.
Lorsque Iweko ordonna la purge, les agents secrets prirent
plus de valeur que jamais. Sans les renseignements réunis par ses
espions, le clan n'aurait jamais pu survivre à l'ire de
l'Impératrice. L'information était à cette époque l'un des plus
grands atouts de Daigotsu, et le reste encore aujourd'hui.
L'Ennemi de Mon Ennemi
Le Clan
de l'Araignée est l'ennemi de l'Empire, le pendant maléfique de
tout ce qui est bon et juste à Rokugan, et il sera toujours en
guerre contre ceux qui honorent le Bushido et respectent l'Ordre
Céleste. De leur côté, la plupart des samurai préféreraient
encore mourir plutôt que se battre aux côtés des hommes qui
suivent le Shourido.
Pourtant, c'est souvent ce qu'ils font à
leur insu. En effet, depuis que Daigotsu a décidé que l'Empire
revenait de droit à son fils, les hommes du Clan de l'Araignée qui
essaient de l'infiltrer livrent régulièrement bataille pour le
compte des samurai.
Les Rokugani connaissent bien les
alliances d'intérêt : après tout, les coalitions entre les Clans
Majeurs en sont presque toutes issues. Mais passer un marché avec
les forces de Jigoku est une tout autre histoire. Dans l'Empire,
personne n'a oublié le pacte que Hida Kisada avait conclu avec les
créatures de l'Outremonde, ni la honte qu'il jeta sur le Clan du
Crabe, et encore moins le sacrifice auquel son fils, Hida Sukune, dut
consentir ensuite.
En revanche, les membres du Clan de
l'Araignée n'hésitent pas à jouer sur les apparences et à se
battre aux côtés des samurai en se faisant passer pour de simples
ronin. Ils ont déjà plus d'une fois affronté les brigands et même
aidé le Clan de la Licorne à repousser les armées du Clan du Lion.
Et naturellement, les samurai de Rokugan sont tout à fait prêts à
s'allier avec des ronin, même si ces derniers se bercent d'illusions
et se prennent pour un clan. Cela dit, la vérité devait éclater,
les hommes de Daigotsu se feraient immédiatement attaquer ;
d'ailleurs, depuis que le Clan du Scorpion a découvert qu'ils
étaient Souillés, la guerre froide fait rage.
Lorsque
l'Impératrice Iweko apprit la nature du Clan de l'Araignée, elle
décida de ne pas tout dire au reste de l'Empire. Elle déclara
toutefois le clan hors-la-loi et condamna les Souillés à mort.
Pendant la purge, tous ceux qui arboraient l'emblème du clan se
firent abattre sur-le-champ. Toutefois, par la suite, des conflits
tels que la Guerre du Sombre Feu ou l'Invasion de Kali-Ma ont tout de
même contraint les hommes du Clan de l'Araignée à se battre de
nouveau aux côtés des Rokugani. Aussi délicate que soit la
situation, Daigotsu ne laissera jamais des puissances étrangères
s'en prendre à l'Empire qui revient à son fils.
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